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Rencontre entre Haben Girma et Voir Ensemble

3 septembre 2025
Haben Girma en paysage

Première personne sourde et aveugle à être diplômée de la faculté de droit de Harvard, Haben Girma est avocate primée, autrice, conférencière et a été nommée ambassadrice du handicap par Barack Obama.

 

Le mercredi 27 août, elle a été accueillie par notre président Mathieu Juglar, notre directrice générale Carole Godin, notre administratrice Sylvie Thézé, monsieur Joël Hardy et notre ambassadrice Maria Doyle, pour une visite conviviale.

 

Le vendredi 29 août, nous avons eu l’honneur de la recevoir dans les locaux de notre siège social pour un temps d’échange.

Elle a d’abord rencontré des membres de l’association autour d’un petit-déjeuner informel. Ce fut l’occasion pour elle d’échanger sur son parcours, de répondre à nos questions et de mieux découvrir la réalité de la déficience visuelle en France.

Dans un second temps, des partenaires du secteur du handicap ainsi que plusieurs invités ont également eu l’opportunité de dialoguer avec elle et de bénéficier de son regard inspirant.

 

Le lundi 1er septembre, Haben s’est rendue à Saint-Malo et a rencontré son Office de Tourisme. Elle a découvert tactilement la cité intra-muros grâce à des plans mis à disposition. Elle y a également suivi le parcours « Dans les pas de Marie-Laure », à travers les lieux de tournage de la série Netflix « Toute la lumière que nous ne voyons pas », pour laquelle elle a été consultante accessibilité. Une occasion unique de découvrir la ville et la série grâce à sa perspective inclusive. Merci à Laurence Maillard Nourrissier, responsable handicap de Saint-Malo et des 61 communes environnantes.

 

Le mardi 2 septembre, elle a participé à une visite sensorielle chez Roellinger, explorant senteurs et arômes sous la conduite de Mathilde Roellinger la fille du célèbre cuisinier.

 

Haben Girma sera également présente à Coupvray le 20 septembre, dans le cadre des Journées du Patrimoine et du Bicentenaire de l’invention du Braille.

 

Nous avons eu le privilège de l’interviewer, afin de mieux la découvrir :

 

Quels ont été les plus grands défis sur ce parcours, et comment les avez-vous surmontés ?
 

Haben : Le plus grand défi a été le capacitisme — ce système de croyances et de pratiques qui considère les personnes handicapées comme inférieures aux personnes non handicapées.

 

Lors de ma première année à la faculté de droit de Harvard, nous avions un événement de réseautage où des avocats venaient discuter avec les étudiants des opportunités professionnelles. J’ai abordé un avocat pour commencer une conversation, mais au lieu de me répondre, il s’est tourné vers mon interprète et a dit : « Quel beau chien ! Est-ce que ce chien va en cours avec elle ? » Pendant qu’il parlait, mon interprète tapait ses mots sur un clavier connecté à mon ordinateur en braille.

 

J’ai expliqué patiemment que je suis sourde-aveugle et que je lisais ses paroles en braille. Je lui ai montré l’appareil et proposé de lui en dire plus sur son fonctionnement.

Il n’était pas intéressé. Il a refusé de discuter du braille, de mes études ou des opportunités professionnelles. À la place, il a continué à ne s’adresser qu’à l’interprète : « Dites-lui qu’elle est très inspirante. »

Mais il n’a pas été inspiré au point de m’offrir un emploi.

 

Trop souvent, lorsque des personnes non handicapées nous qualifient « d’inspirants », ce qu’elles expriment en réalité, c’est de l’inconfort. Dans ce contexte, le mot devient un masque de pitié. C’est comme dire : « Je suis inspiré à arrêter de me plaindre, car au moins ma vie n’est pas aussi difficile que la tienne. »

 

Le mot inspiration est puissant lorsqu’il conduit à l’action. Si quelqu’un dit : « Je suis inspiré à recruter davantage de personnes handicapées », cela a du sens. Quand on me dit que je suis inspirante, je demande : « Qu’êtes-vous inspiré à faire ? » L’inspiration devrait nous faire avancer, pas nous dédouaner.

 

Le capacitisme existe non seulement dans les écoles, mais également dans tout le milieu juridique. Mes expériences à la faculté de droit ont nourri mon engagement à militer pour la justice liée au handicap.


 

Comment des lois comme l’Americans with Disabilities Act (ADA) peuvent-elles inspirer des cadres juridiques dans d’autres pays, comme la France ?
 

Haben : Depuis l’adoption de l’ADA, les personnes handicapées aux États-Unis ont eu beaucoup plus d’opportunités. Nous ouvrons de nouvelles voies, obtenons des diplômes, dirigeons des organisations et voyageons dans le monde entier. Mais des obstacles persistent encore dans presque tous les secteurs.

Les militants français pour le handicap peuvent absolument s’inspirer du travail des militants américains — mais l’apprentissage va dans les deux sens. Beaucoup d’entre nous ont célébré l’adoption de l’Acte européen d’accessibilité. Il existe un mouvement mondial croissant pour les droits des personnes handicapées, et nous en faisons tous partie.

 

 

En quoi l’accessibilité est-elle un levier d’innovation universelle et pas seulement une nécessité pour une minorité ?
 

Haben : Concevoir pour l’accessibilité profite à tout le monde.

Un excellent exemple est la rampe de trottoir à Berkeley, en Californie. Quand les utilisateurs de fauteuils roulants ont demandé à la ville d’installer des rampes de trottoir, les responsables ont d’abord affirmé que ce serait trop coûteux. Mais grâce à la persévérance des personnes handicapées et de leurs alliés, la ville a commencé à en construire.

 

Et les bénéfices se sont étendus bien au-delà des utilisateurs de fauteuils roulants. Les parents avec des poussettes ont trouvé leurs déplacements plus faciles. Les voyageurs avec des valises à roulettes ont apprécié l’accès fluide. Les enfants en skateboards ont adoré les rampes. Et aujourd’hui, en 2025, même les robots de livraison autonomes en dépendent.

 

L’accessibilité ouvre la voie à l’innovation. Ce qui commence comme une solution pour quelques-uns devient souvent une avancée pour beaucoup.

 
 

Quelles figures vous ont inspirée dans votre parcours ?
 

Haben : Enfant, j’ai été captivée par l’histoire de Louis Braille. Voilà un enseignant aveugle qui a inventé le système de lecture tactile dont je dépendais chaque jour. Il m’a montré que les personnes aveugles peuvent tout à fait être des innovateurs et des leaders.

 

Chaque fois que je lis un livre, je me rappelle comment un enseignant a changé le monde. Le jour de son anniversaire, je célèbre les nombreuses façons dont le braille façonne nos vies — de la communication pour les sourd-aveugles jusqu’aux doux messages épelés en chocolat.

Le braille donne du pouvoir aux personnes aveugles dans le monde entier. Et il a été inventé par l’un des nôtres. Merci, Louis Braille.

 

 

 



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